ALIMENTS ULTRA-TRANSFORMéS : VOICI CE QUE LEUR SURCONSOMMATION PEUT PROVOQUER SUR VOTRE SANTé MENTALE

Barres chocolatées, biscuits, plats préparés, nuggets de poulets… La préparation des aliments ultra-transformés nécessite l’utilisation de plusieurs procédés de transformation et d’additifs qui vont …

Durant les dernières décennies, les habitudes alimentaires se sont modifiées dans le sens d’une augmentation de la consommation d'aliments ultra-transformés, qui contribuent aujourd’hui à plus de la moitié des apports énergétiques dans de nombreux pays occidentaux. En France notamment, ils représentent aujourd’hui plus de 50 % en masse des régimes alimentaires des adultes selon les estimations de l’Inrae*. Or, les recherches actuelles s’intéressent de plus aux relations entre leur consommation et la santé en raison du fait qu’ils se caractérisent souvent par une qualité nutritionnelle plus faible, mais aussi par la présence d'additifs alimentaires, de composés néoformés et de composés provenant des emballages et autres matériaux de contact. Des études récentes ont ainsi montré des associations entre la consommation d’aliments ultra-transformés et un risque accru de dyslipidémies (modification qualitative ou quantitative d'un ou plusieurs paramètres des lipides sériques), de surpoids, d’obésité et d’hypertension de même qu’un risque accru de cancers, de mortalité, de troubles fonctionnels digestifs et même, récemment, de maladies cardiovasculaires.

Une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs membres de l’Inserm** montre que la santé mentale ne serait pas épargnée. Publiée dans la revue Nutritional Neuroscience, celle-ci établit une association entre ces produits, lorsqu’ils sont consommés en grande quantité, et le risque de récurrence de symptômes de dépression. L’équipe scientifique travaillait sur les liens entre alimentation et santé mentale depuis une quinzaine d’années et avait déjà montré qu’un régime déséquilibré, notamment de type « occidental », riche en acides gras et pauvre en fruits et légumes, est associé à un surrisque de dépression. Cette fois, ses investigations concernaient plus précisément l’effet des aliments ultra-transformés. De fait, « il a été montré que ces produits favorisent le stress oxydatif et l’inflammation, et qu’ils modifient le microbiote intestinal ou encore l’expression du génome. Il n’est donc pas exclu qu’ils aient un impact sur la santé mentale, connue pour être sensible à ces différents facteurs. », explique Tasnime Akbaraly, chercheuse Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Paris.

Un risque augmenté de près d’un tiers

A noter que dans cette recherche, les produits ultra-transformés sont considérés comme des préparations alimentaires emballées, prêtes à l’emploi, présentées comme pratiques et rapides à consommer. C’est par exemple le cas des charcuteries avec nitrites, nouilles instantanées, nuggets de poulet et autres bâtonnets de poisson, galettes de légumes, boissons lactées aromatisées, pains, brioches ou gâteaux industriels et autres barres chocolatées… « Ces aliments peuvent être assez éloignés de la matière première dont ils sont issus. », indique l’Inserm qui souligne également que « leur préparation nécessite d’importantes transformations physiques, chimiques ou biologiques, obtenues par différents procédés, ainsi que l’ajout d’additifs de type émulsifiants, exhausteurs ou encore antioxydants, pour modifier leur texture, leur goût ou leur durée de conservation… Rien de tout cela n’existe en cuisine et les conséquences sur la santé de ces transformations et adjonctions font l’objet d’évaluations. » En outre, ces produits sont souvent riches en sucres et en sel et affichent dans 80 % des cas des Nutri-Scores moyens ou défavorables (C, D ou E).

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L’étude a consisté à utiliser les données de 4 554 participants (dont 74 % d’hommes) membres de la cohorte Whitehall II, qui inclut des fonctionnaires britanniques âgés de 35 à 55 ans, recrutés entre 1985 et 1988. Les symptômes dépressifs des participants et leurs éventuels recours à des médicaments antidépresseurs ont été évalués de façon répétée, quatre fois entre 2002 et 2016. En parallèle, la quantité d’aliments ultra-transformés qu’ils ont consommés entre 1991 et 2004 a été estimée à partir d’auto-questionnaires alimentaires, combinés à l’utilisation de la classification NOVA. Cette dernière permet de catégoriser les aliments selon 4 groupes, distincts en fonction de leur degré de transformation. Pour chaque participant, les chercheurs ont calculé la proportion d’aliments ultra-transformés dans leurs apports quotidiens totaux. Ils ont ensuite pu les répartir en cinq groupes (cinq « quintiles ») de taille équivalente, reflétant cinq niveaux de consommation d’aliments ultra-transformés dans la cohorte. Enfin, les chercheurs ont étudié la récurrence de leurs éventuels symptômes dépressifs au cours des 13 années de suivi.

« Ces produits ultra-transformés sont déjà fortement déconseillés par les pouvoirs publics »

Les résultats obtenus ont mis en évidence une association significative entre une consommation élevée d’aliments ultra-transformés et le risque de récurrence de symptômes dépressifs (tristesse constante, abattement, perte de plaisir pour des activités du quotidien, modification du poids, dégradation du sommeil, vision du futur et de la vie très négative…). Plus concrètement, les participants qui consommaient le plus d’aliments ultra-transformés (un tiers de leurs apports totaux) avaient 30 % de risque supplémentaire de présenter des épisodes de symptômes dépressifs récurrents, par comparaison avec les participants dont la part des aliments ultra-transformés était inférieure à un cinquième. « Cette association est indépendante des facteurs sociodémographiques, des habitudes de vie ou de la santé globale des individus. », précise Tasnime Akbaraly. « En outre, nos analyses montrent que la prise en compte de la part des produits ultra-transformés dans l’alimentation conduit à une atténuation substantielle de l’association entre la qualité du régime alimentaire d’un individu et son risque de symptômes dépressifs. »

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Pour les auteurs, ces résultats soulignent l’importance de porter une attention particulière à la consommation de produits ultra-transformés dans les futures études sur les liens entre alimentation et santé mentale. Par ailleurs, ces observations sont une véritable invitation à explorer spécifiquement l’effet sur la santé mentale des différents procédés de transformation alimentaire, des additifs, émulsifiants et conservateurs ou encore des emballages. En attendant, « ces produits ultra-transformés sont déjà fortement déconseillés par les pouvoirs publics, qui recommandent de cuisiner soi-même des aliments dans leur forme la plus naturelle : légumes, viandes, poissons, farine complète… Ce travail renforce la pertinence du message. N’oublions pas que la santé mentale est aujourd’hui une priorité de santé publique, notamment dans le contexte d’une augmentation des troubles dépressifs depuis la pandémie, en particulier chez les jeunes. », conclut Tasnime Akbaraly. A noter que le gouvernement français a fixé un objectif de réduction de 20 % de la consommation d’aliments ultratransformés dans le cadre de sa politique nutritionnelle de santé publique (PNNS) 2018-2022.

* Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement

**Institut national de la santé et de la recherche médicale 

2023-06-06T11:01:39Z dg43tfdfdgfd