Le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité ne touche pas seulement les enfants. Il pénalise aussi des personnes plus âgées, qui peuvent aujourd'hui bénéficier d'une prise en …
On considère que de 2,8 à 3,5 % des adultes* sont concernés par le TDAH (5,9 % des enfants). Le plus souvent, ils s'ignorent ou sont diagnostiqués tardivement, faute de l'avoir été durant l'enfance. Petits, ils étaient réprimandés pour leur « instabilité ». Aujourd'hui, ils consultent seulement lorsque les symptômes entravent leur vie. En témoigne Vanessa, 36 ans, hôtesse d'accueil à Bourgoin-Jallieu, dépistée il y a trois ans : « J'ai toujours été excessivement étourdie. Mes parents m'appelaient affectueusement leur “petit papillon”, tant j'étais incapable de me concentrer. Quand j'ai eu mon propre appartement, je claquais régulièrement la porte en laissant la clé à l'intérieur. J'ai aussi causé moult dégâts des eaux, car j'oubliais le bain que j'avais fait couler. Pas une semaine sans un pépin ! Ce qui m'a poussée à aller voir un médecin, c'est un énième accident de voiture par ma faute. Je roulais puis, comme toujours, je suis partie dans mes pensées. Je n'ai pas regardé à droite et un véhicule a percuté de plein fouet ma porte arrière. A 10 centimètres près, ma fille de 3 ans aurait été touchée ! »
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Le TDAH est un trouble génétique du développement neurologique. Si les gènes impliqués n'ont pas encore été identifiés, on sait toutefois qu'ils entraînent une mauvaise régulation de la dopamine, le neuromédiateur de la motivation, de la mise en action et des circuits de la récompense et du plaisir. « Il n'y a pas de déficit de dopamine à la base, mais une moindre transmission dans le cerveau », décrypte le Dr Régis Lopez, psychiatre et responsable de la consultation TDAH de l'adulte au CHU Gui-de-Chauliac, à Montpellier. Ce qui induit trois symptômes que sont l'inattention, une propension à l'agitation motrice et/ou psychique (l'hyperactivité) et une tendance à l'impulsivité. Leur concomitance n'est pas nécessaire pour établir le diagnostic et leur expression diffère d'une personne à l'autre, en intensité autant qu'en caractéristique.
L'inattention se traduit par une tendance à se disperser ou à se laisser distraire. Une personne TDAH va entreprendre plusieurs projets en parallèle mais n'en finaliser aucun, quand une autre s'épuisera à mener à terme un travail de longue haleine. « Un bruit ambiant anodin peut totalement détourner ces patients de leur objectif. Ils n'arrivent pas à hiérarchiser. Résultat : ils paraissent lents, désorganisés et incapables de suivre un planning, alors que, souvent, ils tentent de s'adapter en élaborant des stratégies d'organisation, mais elles s'avèrent trop complexes et ils s'y perdent. Certains survérifient tout afin d'éviter les erreurs d'inattention et ils s'épuisent », explique le Dr Anne Claret-Tournier, psychiatre, responsable de la consultation TDAH de l'adulte à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. En revanche, ils excellent dans les tâches brèves qui les passionnent, y compris si elles requièrent leur concentration.
« L'agitation motrice chez les adultes est nettement plus discrète que chez les enfants, et elle pose rarement de souci majeur », tempère le Dr Lopez. Elle peut cependant se traduire par l'incapacité à rester assis tranquille pendant une réunion ou au cinéma, par l'impérieux besoin de malaxer un objet et, bien sûr, par la quête permanente de nouvelles activités. « L'hyperactivité mentale est beaucoup plus problématique. Les patients se plaignent d'un cerveau trop encombré, qui tourne en boucle non-stop, et de ne pas avoir le temps de se focaliser sur une idée que déjà trois autres les submergent. » Axelle, 65 ans, le reconnaît : « La moindre contradiction dans la vie de tous les jours m'empêche de dormir. Cela peut juste être un rendez-vous manqué ! J'imagine de multiples scénarios catastrophe, je n'arrive pas à “débrancher”. » Cette retraitée active n'a mis le mot sur son trouble qu'au moment où son petit-fils a lui-même été découvert TDAH.
« Les patients se plaignent d'un cerveau encombré qui tourne en boucle non-stop »
« Beaucoup de patients sont soupe au lait, peu diplomates. Ils surréagissent émotionnellement à tout de façon extrême et peuvent ainsi passer d'un très fort dépit à un grand enthousiasme en peu de temps », indique le Dr Claret-Tournier. « J'ai tenté de surveiller les devoirs de mon petit-fils, mais je ne supportais pas qu'il se trompe, je me mettais en colère de suite… », raconte Axelle. L'impulsivité des adultes TDAH s'explique par une diffculté à réguler leurs émotions. Ils ont ainsi du mal à maîtriser leurs frustrations. « Cela les pousse à prendre des décisions brutales, sans réfléchir aux conséquences sur le moment. Ce qui est source d'instabilité professionnelle ou dans le couple. Attendre (une réponse, le bénéfice d'une action, un rendez-vous, etc.) leur est également compliqué », décrit la psychiatre. Si nous avons tous, à des degrés divers, ce type de réaction, « c'est leur intensité, souvent extrême, et leur fréquence qui signent le trouble », précise le Dr Régis Lopez.
La prise en charge passe d'abord par la psychoéducation, qui consiste à expliquer aux patients les spécificités de leur fonctionnement et à proposer des ateliers pour apprendre à mettre en place les meilleures stratégies. Objectif : limiter les conséquences du TDAH au quotidien. Dans cette optique, le Dr Lopez a conçu, avec l'ergothérapeute Audrey Roques, l'ouvrage pratique Surmonter le TDAH de l'adulte, autoédité et disponible sur tdah-adulte.fr. Le traitement médicamenteux, lui, passe par la Ritaline (méthylphénidate). « Cet inhibiteur de la recapture de la dopamine agit en permettant au cerveau de retrouver une bonne utilisation du neurotransmetteur, équivalente à celle d'une personne n'ayant pas de TDAH », rassure le Dr Claret-Tournier. A la clé, une amélioration des symptômes, sans que cela soit définitivement curatif. « Quand on m'a parlé de ce médicament, j'ai eu peur, lâche Vanessa. Mais il a changé ma vie ! Ça ne fourmille plus autant qu'avant dans ma tête et je ne sens plus cette oppression intérieure qui m'empêchait d'avoir du recul au quotidien. Je suis plus posée. » Enfin, une thérapie comportementale et cognitive (TCC) et la méditation de pleine conscience, encadrée médicalement, complètent l'arsenal thérapeutique, afin de pouvoir vivre le plus sereinement possible. * Source : World Federation of ADHD, 2021.
• Des consultations spécialisées dans le TDAH de l'adulte sont ouvertes dans un nombre croissant de services psychiatriques au sein de centres hospitaliers universitaires (CHU) : Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Paris (la Pitié-Salpêtrière, GHU psychiatrie et neurosciences), Nantes, Lille, Bordeaux…
• L'association de patients HyperSupers (tdah-france.fr) propose une mine d'informations et des forums d'échange.
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